Recherche sur les Processus d'acquisition en lecture

Compte-rendu de la conférence donnée par Mme Houria BOUCHAFA,

le 13/12/2000, à l'Association des Maîtres E de Maine et Loire

"La conscience phonologique"

LES FONCTIONS DU LANGAGE

  • FONCTIONS PRINCIPALES :
  • Concernant les trois protagonistes de la communication qui sont émetteur , récepteur , sujet . On retrouve donc trois fonctions: la fonction expressive qui concerne l’implication de l’émetteur dans ce que l’on dit , la fonction conative qui concerne la part du message destiné à influencer le récepteur , et la fonction de représentation centrée sur les référents du message ( contenu ) .
  • FONCTIONS SECONDAIRES :
  • Fonction phatique: le langage sert principalement à maintenir le contact entre les deux locuteurs ( politesses, banalités ... ) . Fonction ludique et poétique : jeux sur le langage , jeux de mots et manipulation poétique du langage . Fonction métalinguistique : concerne l’activité qui consiste à parler de la parole, activité linguistique qui prend donc le langage lui même comme objet.

METACAPACITES LES PLUS ETUDIEES

  • Méta-apprentissage :
  • renvoie à la connaissance et au contrôle des processus d’apprentissage .
  • Méta-attention :
  • capacité de faire volontairement attention .
  • Méta-cognition sociale
  • : connaissances du processus cognitif mis en oeuvre par autrui et leurs implications comportementales .
  • Méta-mémoire:
  • capacité de maîtriser sa propre mémoire (lien entre mémoire et intelligence).

DANS LE LANGAGE :

  • Capacités métaphonologiques :
  • capacité métalinguistique qui permet d’identifier les composants phonologiques des unités linguistiques et de les manipuler de façon délibérée . Synonymes : conscience phonologique ou maîtrise métaphonologique.
  • Capacités métalexicales :
  • possibilité pour les sujets d’une part d’isoler le mot et de l’identifier comme étant un élément du lexique , de l’autre à faire des efforts pour tenter d’accéder intentionnellement au lexique interne .
  • Capacités métasyntaxiques :
  • possibilité pour le sujet de raisonner consciemment sur les aspects syntaxiques du langage et de contrôler délibérément l’usage de règles de grammaire .
  • Capacités métasémantiques :
  • capacités de reconnaître le système de la langue comme un code conventionnel et arbitraire, et de manipuler les mots ou les éléments signifiants de taille supérieur au mot , sans que les signifiés correspondants s’en trouvent automatiquement affectés .
  • Capacités métapragmatiques :
  • compréhension et contrôle de l’utilisation efficace du langage en contexte social ( adaptation du discours au destinataire , maîtrise des règles sociales du langage , humour linguistique ) .
  • Capacités métatextuelles :
  • contrôle délibéré, en compréhension comme en production, de l’agencement des énoncés en unités linguistiques plus larges .

EPIPHONOLOGIE ? METAPHONOLOGIE?

  • Epiphonologie :
  • Ce processus est inaccessible à la conscience . Exemple : tâche de segmentation ... taper les sons d’un mot ( syllabes ou phonèmes ) ; ou bien encore parmi quatre images , demander à un enfant les deux dont les mots ont le même son .
  • Métaphonologie :
  • Ce processus est accessible à la conscience . Exemple : trouver l’unité commune ( syllabes , phonème ) entre deux mots .

INTERET DE L ’ETUDE DES C.M.

  • Intérêt en soi
  • : recherche fondamentale
  • lien avec la lecture
  • : on a établi une relation avec l ’acquisition de la lecture

EVALUATION DE LA CONSCIENCE PHONOLOGIQUE

  • Tâches qui diffèrent par les exigences analytiques qu ’elles requièrent :

- tâches de " sensibilité " phonologique º traitement " holistique "

- tâches de " conscience " phonologique º traitement analytique

  • la taille du segment phonologique sur lequel elles portent

- syllabes groupes de phonèmes prononcés d ’une seule émission de voix

- phonèmes

- unités infrasyllabiques (la syllabe est décomposable en deux parties : " attaque " / " rime ")

IDENTIFICATION DE SYLLABES

  • Exemple de travail ; Liberman (1973) :

- Il demande à des enfants de répéter des mots plurisyllabiques et pour chacun de taper sur la table autant de fois qu’il y a de syllabes .

46 % de réussite à cinq ans

48 % de réussite à six ans

90 %de réussite à sept ans

IDENTIFICATION DE PHONEMES

  • Même expérience que précédemment , la segmentation se fait à partir des phonèmes :

0 % de réussite à cinq ans

17 % de réussite à six ans

70 %de réussite à sept ans

MANIPULATION DE SYLLABES

  • Expérience de Rosner et Simon (1977) :

Il demandent à des enfants de supprimer la syllabe initiale du mot "birthday" ; réussite : 50 % à six ans , 75 % à sept ans

On leur demande maintenant de supprimer la syllabe finale de "birthday" ; réussite : 80 % à six ans

100 % à sept ans

MANIPULATION DE PHONEMES

  • Même expérience que précédemment ( Rosner et Simon ) , la tâche ne concerne plus les syllabes mais les phonèmes .

- On demande à des enfants de supprimer la syllabe initiale du mot "lend" , réussite : 7 % à six ans, 70 % à sept ans , 90 % à huit ans

- On leur demande maintenant de supprimer le phonème final de "belt" , réussite : 20 % à six ans

75 % à sept ans, 100 % à huit ans

DES UNITES LES PLUS LARGES AUX UNITES LES PLUS PETITES

  • Les capacités métaphonémiques apparaissent plus tard que les capacités métasyllabiques
  • la détection de rimes communes est réussie à 4 ans alors que la détection de phonèmes n ’est pas réussie à cet âge
  • progression développementale : émergence

- des capacités métasyllabiques

- puis capacités métarimiques

- puis capacités métaphonémiques

LES FACTEURS DU DEVELOPPEMENT DES C.M.

  • Elles n ’émergent pas de façon " naturelle "
  • elles sont déclenchées par des situations cognitives particulières :

- maturation intellectuelle

- alphabétisation

- type de méthode d ’apprentissage de la lecture

- …

  • alors que la perception de la parole implique une connaissance phonologique implicite

LES C.M. COMME PRE-REQUIS DE L ’APPRENTISSAGE DE LA LECTURE (1)

  • Ehri
  • (1987) montre chez des enfants de cinq-six ans que l’apprentissage d’épellation des mots améliore les performances en lecture et en segmentation phonétique .
  • Des travaux montrent que les capacités métaphonologiques à segmenter sont un bon prédicteur des performances ultérieures en lecture .

- exemple : Share et al. (1983) montrent que deux ans après l’entrée en CP , le meilleur prédicteur de performances en lecture est la tâche de segmentation phonémique .

LA METAPHONOLOGIE COMME CONSEQUENCE DE L’APPRENTISSAGE DE LA LECTURE (2)

  • Cf : Alegria et Morais ; Ce n’est pas l’apprentissage de la lecture en général qui est lié aux capacités métaphonologiques mais l’apprentissage d’une langue alphabétique .
  • La méthode d’apprentissage syllabique apparaît bien meilleure que la méthode d’apprentissage globale .
  • La conscience des unités de la parole ne se développe pas avant six ans ... Cela veut dire que cette conscience ne présentait aucune nécessité auparavant .

POSITIONS NON INCOMPATIBLES :
deux formes différentes de C.M.

  • (1)- tâches de Bryant et Bradley : pas de manipulation explicite des phonèmes mais sollicitent plutôt une certaine sensibilité aux phonèmes
  • (2) - tâches de Morais et al. : manipulation délibérée des phonèmes

CAPACITES METAPHONOLOGIQUES ET APPRENTISSAGE DE LA LECTURE

  • Effet d ’un entraînement précoce sur l ’acquisition de la lecture : Expérience de Fox et Routh

( 1984 ) : tâche de segmentation phonémique sur des enfants de six ans .

- Deux groupes : G1 où les enfants réussissent à segmenter

et G0 ( groupe le plus important ) où les enfants échouent .

- On réalise trois sous groupes dans G0 :

G2 : pour ce groupe il n’y a pas d’apprentissage .

G3 : il y a apprentissage de la segmentation par identification des phonèmes initiaux et finaux.

G4 : entraînement plus large : tâches de segmentation + tâches de décomposition et recomposition de mots unisyllabiques .

- Résultats :

G1 est meilleur que G2

G3 est équivalent à G2

G4 est équivalent à G1

  • On peut donc constater un effet très bénéfique de l’entraînement métaphonologique sur l’apprentissage de la lecture .

 

AUTRES TRAVAUX

  • Les difficultés d ’apprentissage de certains lecteurs sont considérablement améliorées par un entraînement explicite à la segmentation phonémique (Perfetti et al.)
  • les enfants en difficulté de lecture sont aidés par ce type d ’entraînement s ’il est réalisé avant même l ’apprentissage de la lecture
  • il n ’y a pas d ’effet facilitateur d ’un entraînement limité à la manipulation de rimes et de syllabes
  • la connaissance du nom des lettres prédit le niveau de lecture et écriture
  • seules les performances à des tâches métaphonémiques sont très fortement corrélées avec le niveau de lecture

 

C.M. ET APPRENTISSAGE DE LA LECTURE

  • les capacités métasyllabiques et métarimiques se développeraient de façon " naturelle " avec l ’âge
  • les capacités métaphonémiques dépendraient d ’apprentissages formels : nécessitent un entraînement aux capacités de segmentation phonémique sous-jacente à l ’application du principe alphabétique
  • Þ
  • la méthode de lecture a une importance directe sur ce développement

- méthode globale : performances à des tests phonémiques inférieures à la méthode phonique

  • Þ
  • le système d ’écriture a aussi un effet :

- chinois : pinyin / kanji

- japonais : kana / anglais

 

Chercheurs travaillant sur ces questions pour le français

Morais

Alegria

Bertolson

Sprenger-Charolles

Emile Gombert

Pascale Colé

Annie Magnan

Houria Bouchafa

Pierre Lecoq

Khomsi