Maîtres E des RASED : une spécificité malmenée Rappel des faits Peu de temps après la rentrée, les maîtres E ont été sollicités par les IEN de circonscription pour " aider " les CP en classe dans le cadre des activités de lecture . La directive émanait d’une lettre adressée en juin aux IEN de circonscription, et faisait état des interventions à mener auprès des élèves de CP dans un contexte de prévention contre l’illettrisme. Ces sollicitations s’adressaient aussi bien aux directeurs déchargés qu’aux hypothétiques assistants d’éducation ainsi qu’aux maîtres E des RASED. Selon la lecture qui avait été faite de cette lettre, les maîtres E pouvaient se voir convoqués dans les classes de CP trois fois par semaine, afin d’assister les élèves dans leur apprentissage de la lecture . Dans d’autres cas, les maîtres E prenaient directement en charge des élèves qu’on leur avait désignés. Ailleurs encore, ils devaient mettre en œuvre les évaluations GS/CP en lecture. On peut observer que la diversité de ces actions, répond à des mesures non consultatives, souvent décidées dans une certaine précipitation et le tout donnant lieu à des statistiques remontantes… Les missions des maîtres E Deux grandes missions sont dévolues aux maîtres E conformément aux textes de 2002 : la prévention et la remédiation. En ce qui concerne la prévention, les maîtres E sont engagés dès la rentrée dans des actions d’observation et d’évaluation dans les écoles où ils interviennent, et selon les demandes qui leur sont adressées. Force est de constater que le risque d’illettrisme ne se révèle pas spontanément au CP, au contact formel de l’apprentissage de la lecture : des élèves de cycle 1 et de début de cycle 2 peuvent présenter certaines fragilités dans des domaines d’acquisition tels que le langage, la motricité, l’organisation spatio-temporelle, etc…Cette prévention peut prendre la forme d’une observation auprès d’élèves déjà repérés par le maître ou la maîtresse, même si ceux-ci ne font pas encore l’objet de demandes d’aides spécialisées vers les RASED. Ces interventions précoces peuvent s’appuyer sur des éléments d’observation réunis par les maîtres(ses) ou également sur ceux proposés et élaborés par les maîtres E. Dans ces cas de figure, il est important que les enseignants des classes restent les premiers observateurs des difficultés des élèves, et qu’ils puissent partager leurs interrogations avec les maîtres E . Le travail de prévention permet de lier des contacts positifs avec les parents des enfants scolarisés. Ces rencontres, en affirmant le rôle d’une médiation spécifique entre les parents, l’école et l’élève, représentent dès la rentrée un volet important des activités du maître E : c’est en favorisant et renforçant les liens, la cohérence entre les différents acteurs de l’école, que le maître E combat le danger d’illettrisme, au titre des missions qui lui incombent. La remédiation s’appuie sur une demande exprimée par l’enseignant de la classe, après que celui-ci a déjà tenté et évalué une première aide auprès de l’élève concerné. Il est essentiel de laisser aux maîtres(ses) l’initiative de cette première aide : cette action les assure de rester les garants des apprentissages de tous les élèves de leur classe et écarte le risque d’une délégation trop forte adressée aux maîtres spécialisés. Dans une très grande proportion, les enseignants désirent travailler avec les RASED, conformément à ces normes institutionnelles : demande, synthèse du Réseau, observation, contrats définissant les engagements réciproques, projets individuels d’aide menés par le maître spécialisé et bilan de ces actions. On peut constater encore que maîtres et maîtresses ne sont pas réellement demandeurs d’interventions des maîtres E dans leurs classes au titre des " CP aidés ". Que ces enseignants désirent des aides spécialisées pour certains de leurs élèves en difficulté, cela n’est pas douteux, quand ces aides sont menées dans les cadres contractuels proposés par les RASED, et auxquels bien sûr les maîtres E appartiennent. Mais de fait, les maîtres(ses) ne souhaitent pas être dépossédés du regard et de l’intérêt qu’ils portent à leurs élèves en début d’année, à un moment où des liens de confiance doivent se construire, où des habitudes de travail doivent s’installer, et où l’accompagnement dans le monde de la lecture s’élabore peu à peu. C’est à ce moment-là, que le maître E entrerait dans la classe, et qu’il lui faudrait imaginer une intervention, peut-être, co-décidée avec le maître ou la maîtresse de CP. Là, où il n’y a ni demande, ni concertation préalable, il s’agirait d’aider des élèves non encore observés en difficulté, sur des contenus d’une méthode de lecture dont l’apprentissage relève pourtant du maître de la classe…A défaut d’une aide réfléchie, fondée sur une participation institutionnelle, on instaure une " aide " indéfinie et incantatoire, qui aurait le pouvoir - quasi shamanique - de développer chez tous les élèves une immunité contre la difficulté d’apprendre à lire… Cependant, la difficulté d’apprendre est liée à l’école, à l’apprentissage lui-même ; elle suscite des processus cognitifs, capables de changer des représentations erronées, de stimuler des stratégies d’apprentissage mieux adaptées et plus efficaces. Mais est-il donc possible de tout prévenir, de faire en sorte que le problème n’apparaisse même pas, parce que l’on aura trouvé un moyen, une technique qui garantisse à tous le succès définitif de l’apprentissage de la lecture ? Alors, oui, peu importe qui intervient, dans quel champ professionnel, avec ou sans spécificité, puisque le seul fait d’intervenir éradique tout risque de difficulté. En conclusion Les maîtres E des Réseaux d’aides contribuent depuis une douzaine d’années, à mettre en place des interventions de prévention et de remédiation auprès d’élèves en difficulté dans leurs apprentissages, ou dont la fragilité d’acquisition pourrait créer une difficulté d’apprentissage. Leur pratique est réfléchie, concertée, évaluée. Ils s’associent à l’analyse des évaluations institutionnelles, à l’élaboration des projets individuels, partagent avec leurs partenaires la spécificité de leurs interventions auprès des élèves en difficulté. Les maîtres E opèrent sur le terrain dès la rentrée ; ils se sont saisis avec leurs collègues psychologues et rééducateurs des problèmes qui se posent en terme d’adaptation scolaire ; ils n’attendent pas de " Révélation " ou de recette définitive, propre à dissoudre la difficulté scolaire dans la méthode de lecture. Ils estiment simplement, que leur action s’inscrit dans la dynamique des Réseaux d’aides, que leurs pratiques évoluent grâce aux contacts et échanges qu’ils entretiennent avec leurs pairs, des universitaires et des formateurs spécialisés. C’est également dans ce plan d’articulation entre théorie et pratique que se construit leur professionnalisation. |