Recherche sur les Processus d'acquisition en lecture Communication de Mme Houria Bouchafa RÔLE DU CONTEXTE
D Méthodes globales ou analytiques ? A. La psychologie cognitive (comment fait l'être humain pour parler, se rappeler, percevoir,...) s'est plus particulièrement intéressée à l'identification des mots. Des recherches ont porté également sur l'identification de phrases, d'autres sur l'identification de textes, d'autres encore sur la production de textes. Mais il existe très peu de lien, de continuité, entre ces différents travaux. On peut même parler d'un "fossé" qui les sépare. L'identification des mots est un mécanisme. La compréhension vient après ce décodage. B. Etude chez le lecteur expert des mécanismes de lecture: - processus ascendant: (de la perception visuelle des formes des lettres à la synthèse et à la compréhension) (des récepteurs sensoriels à l'accès au lexique et à la sémantique, ainsi qu'aux connaissances sur le monde). - processus descendant: (les connaissances sur le monde que l'on a, nous autorisent à faire des inférences, des hypothèses, et nous permettent ainsi l'économie d'une perception visuelle fine) C. Nous connaissons tous le célèbre "Lire c'est comprendre", affirmation chère à Foucambert, qui a réorienté les efforts de toute une génération d'enseignants vers le rôle privilégié du contexte dans la compréhension. C'est Foucambert qui a relayé en France les travaux de Godeman à ce sujet. Ce dernier avait fait découvrir à une même population d'enfants: d'une part des mots isolés de tout contexte, et d'autre part les mêmes mots dans leur contexte . Dans la 1ère situation (A), le nombre d'erreurs était supérieur de 60 à 80 % à celui commis dans la 2ème situation (B). D'où la conclusion que c'était le contexte qui prévalait dans l'acte de lire. 1) D'autres chercheurs ont refait la même expérience et ont trouvé une bien moins grande différence entre les deux situations. Il a également été mis en évidence une lacune propre à fausser les résultats (un artefact expérimental) dans l'expérimentation de Godeman: les sujets bénéficiaient d'un effet d'apprentissage entre les deux passations, la population passant l'épreuve A puis l'épreuve B, sans qu'il ait été procédé à la même expérience dans l'ordre inverse (B puis A) afin de comparer les résultats. 2) Les recherches de Stanovitch sur le modèle interactif compensatoire ont révélé l'existence d'un "effet Mathieu" (en référence à la parole de l'évangéliste: "les pauvres s'appauvrissent, les riches s'enrichissent") Chez les bons lecteurs, les processus de bas niveau (perception, combinaison, segmentation,...) sont automatisés et performants (de l'ordre de 250 millisecondes par mots), alors que chez les mauvais lecteurs, ceux-ci accaparent une grande partie des ressources attentionnelles du sujet. Pour les premiers, les processus de haut niveau (hypothèses, inférences, ...), conscients, sont possibles. Pour les seconds, l'effort à fournir est trop important. Ils subissent un double déficit: épuisement de leur ressources attentionnelles et non-accès à la compréhension. Ce modèle a été validé par de nombreuses autres expériences. Certaines ont montré que le lecteur adulte était confronté au même problème devant un écrit dégradé (tâché, masqué,...) 3) Il y a 2 types de contexte: - congruant (lorsqu'on s'attend au mot qui va venir) - non-congruant (lorsque la suite nous surprend) Or, lire ce n'est pas toujours congruant (où serait d'ailleurs le plaisir de lire quelque chose auquel on s'attend?) Si le mauvais lecteur peut utiliser le contexte dans le 1er cas, il est en panne dans le 2ème. Le contexte n'a donc pas ce rôle prioritaire qu'on a voulu lui attribuer. Il y a certes un "effet contexte", mais il intervient tard ou en tant qu'activateur du réseau sémantique. Il peut même y avoir un effet perturbateur du contexte, lorsque le mot lu n'est pas celui attendu, qui ralentira la compréhension. Par contre, c'est bien le contexte qui permet d'inférer, c'est à dire de deviner le sens d'un mot inconnu à partir de son contexte. On le voit, la lecture favorise donc l'augmentation du vocabulaire (les bons lecteurs bénéficiant de "l'effet Mathieu" évoqué plus haut). Les travaux de Lieury (Rennes) l'ont montré: - en lisant 2 livres par mois, on aborde un million de mots par an. - chez les enfants du Primaire, on arrive à 2500 mots par an (avec une grande différence entre les bons et mauvais lecteurs) - chez les enfants du collège (5ème), on atteint 7300 mots par an (2 fois plus que les faibles lecteurs!) Question: Quel est le rôle du contexte quand un mot est polysémique? a) toutes les significations possibles sont activées b) une seule est ensuite retenue
4) Autre argument des partisans de la méthode globale: les mouvements occulaires (empan, saccades, retours,...) Les mesures faites à l'époque sont maintenant dépassées; les recherches actuelles, avec de nouvelles techniques plus fiables, l'ont montré. Exemple d'erreur: On affirmait "Dans une phrase, les mots ne sont pas tous fixés ". Or, si ! Ils le sont pratiquement tous (sauf les articles et les mots-outils). Les mots longs nécessitent même parfois 2 fixations. Les psycho-cognitivistes sont à peu près d'accord même si le manque d'échange et de transposition sur le terrain est réel.. Il existe un consensus (plutôt contre les idées de Richaudeau, Foucambert,...) 5) On a longtemps cru que le modèle par rapport à l'apprentissage de la lecture, c'était le lecteur expert adulte. Pour parvenir à ce stade, l'enfant devait suivre son exemple, l'imiter. En fait, la lecture est une compétence qui se développe dans le temps, et qui devient automatique quand elle est maîtrisée.
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